La vision s’estompa. Prise d’une colère froide, elle jeta le livre. Il n’en resterait plus rien, ce soir il brûlerait. D’une rapidité gracieuse, fut dégainé un briquet qui de sa funeste flamme embrasa le passé. Les dernières traces venaient d’être effacées. Rien, plus rien si ce n’est n point d’interrogation désormais.                                                                                                                                                                      La grande maison était en feu. Les flammes, ces dernières ne cesseront de la poursuivre. Les cris. Ceux d’une chair délabrée mordue par le feu. Ces ombres se prenant la tête, hurlant à la mort, s’effritant en lambeaux tandis que les passants pleuraient. Le manoir partait en fumée, emportant avec lui ses habitants. Mais elle avait survécue. Elle s’était battue. Après sa déambulation sur les pavés, après avoir trop pleuré pour ne plus rien ressentir, après avoir hurlé pour ne plus parler, elle contempla sans rien faire ce qui lui restait, tout une vie qui s’évapore. Qui s’occupera d’elle ? Personne. Qui l’aimera ? Personne. Qui s’en souciera ? Personne. Elle resta là un jour, puis deux, et vint trois. Passa le mois, puis le suivant et encore un autre. Elle ne bougeait pas, assise par terre, le regard éteint. Puis il vint. Son nom elle s’en souviendra, son visage l’a hantera. Il l’a saisie par les cheveux et l’a souleva de terre. Il eut un rire ou grognement et la porta par les cheveux sur toute la route. Il l’emmena dans un manoir, pas de fenêtre sans rideau, pas de porte sans verrous. Ne pas se montrer, ne pas sortir, ne pas parler. C’était la règle. Elle fleurit, mais en son intérieur elle était fanée depuis les flammes. Il ne l’aimait pas, il l’a haïssait, mais elle lui était essentiel. C’était son jouet, sa proie, son tout. Aussi quand elle eut l’âge il dérapa. L’a battre il l’avait fait depuis le premier jour. Mais l’humilier dans une pièce sombre face aux meubles délabrés, face aux portraits qui l’a jugeaient. Puis il avait dérapé. Il l’avait mordu. C’était il y a longtemps. Et la morsure emporta la dernière once d’humanité qui pouvait encore lui rester.